Synchronisation et rémunération équitable

L’incorporation d’une musique dans une œuvre audiovisuelle – ce que l’on appelle dans le métier une synchronisation – ne donne pas lieu à rémunération équitable a décidé récemment la Cour européenne, à la suite d’un raisonnement textuel assez complexe (CJUE 18 novembre 2020, aff. C-147/19, CCE. 2021, comm. n° 9 par P. Kamina). Mais rassurons nous en tout cas, on revient dès lors alors au droit intellectuel des interprètes et des producteurs, droit dit « voisin » qui leur a été reconnu en 1985 pour leur création musicale fixée sur un enregistrement. Rappelons que la rémunération équitable découle d’une licence légale qui dispense le diffuseur – radio, télé, discothèque…– d’avoir à demander à ces ayants droit l’autorisation d’utiliser leur enregistrement moyennant cette compensation. En son absence, on retrouve donc le droit exclusif d’autoriser la reproduction et la diffusion de l’enregistrement. Mais on peut se demander quelle est la conséquence de cette solution, de la substitution du régime du droit exclusif à la licence légale. Le résultat paraît être le même : au lien d’être payé après – par le biais de la rémunération équitable – les ayants droit sont payés avant – par le biais du droit d’autoriser et donc par contrat. D’ailleurs, la Cour souligne dans son considérant n° 55 « la conclusion, à l'occasion de l'incorporation des phonogrammes ou de reproductions de ces phonogrammes dans les œuvres audiovisuelles concernées, d'arrangements contractuels appropriés entre les titulaires des droits sur les phonogrammes et les producteurs de telles œuvres, de sorte que la rémunération des droits voisins sur les phonogrammes à l'occasion d'une telle incorporation soit réalisée au moyen de tels arrangements contractuels ». Quelle est la différence alors ? En réalité elle est double. D’une part, la négociation contractuelle à laquelle donne lieu l’autorisation débouchera nécessairement sur une somme différente – en plus ou en moins – de celle fixée par une commission représentative des ayants droits, comme cela se fait dans la licence légale. Par ailleurs, et surtout, alors que la rémunération équitable de la licence légale se partage à 50/50 entre les deux sortes d’ayants droits – interprètes et producteurs – en vertu de la loi, la rémunération contractuelle négociée par le producteur de l’enregistrement risque fort d’être confisquée en entier par le producteur car il s’est fait céder les droits de l’interprète dans le contrat d’enregistrement passé avec lui.

Publié le : 
22 Mai 2021
Auteur de l'article : 
jérôme Huet
Source(s) : 
Divers