Lien hypertexte vers une œuvre contenue dans un autre site

Dans un arrêt de la CJUE – Cour de justice de l’Union européenne – du 8 septembre 2016, que sa célébrité permet d’appeler du nom d’une des parties, en l’espèce GS Média, les juges ont décidé qu’ « afin d’établir si le fait de placer, sur un site Internet, des liens hypertexte vers des œuvres protégées, librement disponibles sur un autre site Internet sans l’autorisation du titulaire du droit d’auteur, constitue une « communication au public » au sens de cette disposition, il convient de déterminer si ces liens sont fournis sans but lucratif par une personne qui ne connaissait pas ou ne pouvait raisonnablement pas connaître le caractère illégal de la publication de ces œuvres sur cet autre site Internet ou si, au contraire, lesdits liens sont fournis dans un tel but, hypothèse dans laquelle cette connaissance doit être présumée » (affaire C‑160/15). En cela ils apportent une précision par rapport à la solution retenue par le non moins célèbre arrêt Svensson, de la CJUE du 13 février 2014, qui avait déclaré que ne saurait être illégal, parce que contrefaisant, le fait de mettre sur un site un lien hypertexte vers un autre site contenant une œuvre protégée, mais déjà librement accessible sur le site ayant fait l’objet du renvoi : « ne constitue pas un acte de communication au public, tel que visé à cette disposition, la fourniture sur un site Internet de liens cliquables vers des œuvres librement disponibles sur un autre site Internet » (affaire C‑466/12). La justification de la solution était facile à comprendre : l’œuvre étant accessible sans restriction sur le site visé par le lien hypertexte, ce lien ne permettait pas l’accès d’un nouveau public à l’œuvre. Cependant, aussitôt l’arrêt Svensson rendu, on s’était demandé si la solution pouvait être appliquée lorsque l’œuvre figurait illégalement sur le site auquel il était renvoyé, c’est-à-dire sans l’autorisation de l’auteur : et une réponse a contrario, selon laquelle le jeu du lien hypertexte était illégal, semblait s’imposer. Or, c’est précisément la situation sur laquelle l’arrêt GS Média statue et les juges y font un raisonnement assez différent. Ils décident, de manière assez subtile que, lorsque la publication initiale est illégale, le renvoi par lien hypertexte vers elle ne nécessite pas l’autorisation de l’auteur, et donc est légal en son absence, si celui qui y procède le fait sans but lucratif, gracieusement donc, et n’avait pas lieu de penser que la publication à laquelle il renvoyait avait été faite de manière illégale ; dans le cas contraire, et donc si celui qui procède au renvoi agit dans un but lucratif, il est présumé connaître le caractère illicite de la publication vers laquelle il renvoie. Ce faisant, les juges emploient un critère de distinction – caractère désintéressé ou but lucratif – entre deux situations qui n’est pas courant en droit d’auteur. Mais en l’occurrence, l’usage en apparaît parfaitement justifié.

Publié le : 
12 Mars 2017
Auteur de l'article : 
Jérôme Huet
Source(s) : 
Jurisprudence