L’auto-producteur est triste

La Cour de cassation  refuse de reconnaître le « libre » en musique. Dans l’affaire Jamendo, la Cour de cassation, par un arrêt de la première Chambre du 11 décembre 2019, a considéré que l’art. 214-1 c. propr. intell. qui prévoit une « rémunération équitable » des artistes-interprètes et des producteurs de musique, dont l’autorisation n’est pas nécessaire pour diffuser leurs réalisation, doit quand même recevoir application, « dès lors qu'un phonogramme est publié à des fins de commerce » fut-il auto-produit par l’artiste, et « compte tenu des conditions dans lesquelles la société Jamendo permet aux artistes de publier sur sa plate-forme leurs phonogrammes sous licence dite “creative commons“ ». Derrière cette formulation un peu alambiquée, se cache une réalité très simple : l’artiste et la société de diffusion « libre » Jamendo, bien qu’ils aient cherché à se placer en dehors du circuit traditionnel des sociétés de gestion du droit d’auteur et des droits voisins, pour éviter de leur verser une contribution à la « rémunération équitable » de l’art. 214-1 – car ils n’ont aucune raison d’éviter de demander autorisation de diffusion –, doivent quand même s’y plier. En pratique, le système de la société Jamendo est simple : elle publie sur son site des musiques, librement c’est-à- dire gratuitement consultables, et prévoit que si un utilisateur – par exemple une entreprise désireuse de sonoriser ses locaux – souhaite les diffuser, il lui verse une rétribution dont une large partie est versée à l’artiste. Et il est dit à l’utilisateur qu’il n’aura aucune autre contribution à verser. Tel est le schéma du circuit « libre ». La Cour suprême ne permet pas que cela se fasse : elle déclare que l’utilisateur doit, quand même, contribuer à la « rémunération équitable », et donc la verser à la SPRE, société de gestion charger de récolter cette « rémunération équitable » pour le compte des sociétés de gestion des artistes-interprètes (ADAMI et SPEDIDAM) et des producteurs (SCPP et SCPF). Or, on le voit clairement, c’est inutile : la ratio legis de l’art. 214-1, on l’a dit, est de dispenser, pour des raisons pratiques, l’utilisateur d’avoir à demander l’autorisation de l’interprète et du producteur. Ainsi une radio peut diffuser une œuvre sans à demander leur autorisation, étant entendu qu’elle contribue à la « rémunération équitable » qui a vocation à les indemniser. Or, en en l’occurrence, il est clair que dans le système du « libre » il n’y a aucune autorisation à demander : celle de l’artiste-interprète est acquise, puisqu’il adhère au système, celle du producteur n’a pas lieu d’être, car il n’existe pas, l’artiste s’en dispensant et faisant le travail lui-même. Et le système du « libre » permet à des artistes en herbe d’émerger : ils réalisent la musique eux-mêmes, se font connaître, touchent un peu d’argent… Dommage que la Cour de cassation n’ait pas voulu que cela se fasse…

Publié le : 
19 Avril 2020
Auteur de l'article : 
J
Source(s) : 
Jurisprudence