« Strange Fruit », Billie Holiday

S’il est une chanson qui dérange c’est bien « Strange fruit » : elle parle de ces Noirs, pardon on dit aujourd’hui personnes de couleur, pendues aux arbres dans le sinistre Sud des Etats-Unis du Ku Klux Klan. Billie Holiday a d’abord hésité à l’interpréter sur scène car la chanson se démarquait de son répertoire habituel de standards et de chansons d'amour. Pourtant elle céda aux pressions qu’on fit sur elle pour la chanter. Après la première interprétation par Billie Holiday du morceau au Café Society, la salle resta tout d’abord plongée dans un lourd silence, puis de timides applaudissements se firent entendre, qui s’amplifièrent au fur et à mesure. Considéré jusque-là comme un chant de lutte communiste ou une complainte, souvent interprétée de façon exagérément pathétique, ce titre prit une nouvelle dimension. Le caractère direct et incisif de cette interprétation touchait un public nettement plus large que ne l’aurait fait une approche politique ou compatissante. « Strange fruit » devint la chanson phare du Café Society tout le temps que Billie Holiday y chanta, et par la suite elle resta l'une des chansons favorites de la diva. Mais tout ne fut pas simple car cette chanson fit qu’elle fut persécutée par le Federal Bureau of Narcotics. Celui-ci était dirigé, à l’époque, par un nommé Harry Anslinger qui commença à diriger l’institution au moment prenait fin la prohibition de l’alcool ; il devait lui trouver d’autres missions. Or, l’homme était habité par deux obsessions une intense haine pour les « African Americans » et une haine forte aussi pour les addictions aux drogues. Pour lui, Billie Holliday représentait la quintessence de ce qui allait mal aux USA. Aussi lui a-t-il intimé cet ordre : arrêter de chanter « Strange fruit » et on lui foutrait la paix ; et dans le cas contraire, elle allait en voir. Elle a refusé disant, en quelque sorte, allez vous faire foutre, je suis une citoyenne américaine. Alors Harry Anslinger l’a fait suivre par agent appeler Jimmy Fletcher, qui était aussi un noir. Il l’a acculé au procès, pour prise de drogue : « The United States v. Billie Holiday ». Elle fut envoyée en prison et à sa sortie elle fut privée de son travail car, pour jouer dans un cabaret où de l’alcool était vendu il fallait une licence. Elle ne pouvait plus l’avoir et ne pouvait plus se produire que dans des salles de concert. Alors elle est tombée encore plus dans la drogue, mais elle n’a jamais arrêté de chanter « Strange fruit ».

Publié le : 
10 Septembre 2017
Auteur de l'article : 
Jérôme Huet
Source(s) : 
Divers